Festival Fiest A Sète 2024 Programme Concerts

Il lui aura fallu moins d’une décennie pour s’imposer sur les scènes internationales comme une grande dame de la musique de ce siècle. Ondulant avec grâce entre classique, chanson, jazz et transcendance joyeuse de ses racines latines, la violoncelliste et chanteuse, fait souffler un vent révolutionnaire sur le patrimoine afro-caribéen.

Sur scène, son projet Caribe révèle une écriture aux reliefs vertigineux, sophistiquée et virevoltante, et qui garde au cœur toute la fougue et la sensualité des musiques populaires cubaines.

Tout comme son père Bebo, le pianiste cubain Chucho Valdes n’a eu de cesse d’incarner une sorte de pont mobile reliant tour à tour les traditions africaines et européennes, le jazz et le classique, les musiques savantes et populaires. C’est au sein des légendaires Irakere que Chucho a posé les jalons novateurs d’une conception universaliste enracinée dans la culture afro-cubaine, avec des branches filtrant magistralement l’air du temps.

Pour souffler ses cinquante bougies, le groupe mythique peut compter sur la puissance inaltérée du vent d’inventivité qu’il a jadis suscité.

Toute jeune, Mayra Andrade s’est fixé pour mission de proposer « quelque chose de différent ». Sous-entendu : de la perception réductrice que l’imaginaire collectif projette sur la culture capverdienne.

Revendiquant fièrement son héritage culturel, nourrie de l’énergie de Paris, Rio, Abidjan, La havane et de rencontres avec Tété, Kim Alvès, Piers Faccini ou Baloji, elle façonne une musique à son image, libre, sensuelle, cosmopolite et nomade.

En large formation groovy ou comme ici en duo acoustique, Mayra ne se départit jamais d’une sincérité et d’une grâce irrésistibles.

Immense star au Brésil, imprégnée de l’esprit cosmopolite de son São Paulo natal, Céu peut se permettre de reprendre sur un même disque Rita Lee et Beastie Boys, João Gilberto et Hendrix, sans jamais rien lâcher de son intégrité et de son caractère bien trempé.

Mais elle est avant tout une compositrice et une interprète au timbre suave et voluptueux, à la sensualité à fleur de groove, à l’érudition exemplaire, profondément enracinée dans le foisonnant folklore brésilien et fondue de soul, de jazz et de pop, toujours avide d’expérimentations sonores et d’hybridations inédites. Grande dame.

Figure emblématique de l’antiesclavagisme au XVIIIe siècle, Louis Delgrès inspire ce trio emmené par le chanteur guitariste d’origine antillaise Pascal Danaë. Delgres revendique une créolité combative et veut incarner le chaînon manquant entre Louisiane et Caraïbes.

L’arsenal déployé fait sensation depuis la découverte de cette « autre Amérique » où s’entremêlent dobro très blues roots et sousaphone (la basse puissante et cuivrée des marching bands), groove irrésistible nourri de toutes les pulsations créoles et poésie hérissée fidèle à l’esprit de Glissant, Césaire et Fanon.

Le son de New Orleans ne se résume pas aux fameux marching bands. Pour mémoire, Meters et Neville Brothers y ont développé leur funk du bayou afin d’accompagner les incantations des Black Indians, indiens « de carnaval » issus de la communauté afro-américaine.

79rs Gang actualise le propos en coiffant de plumes la très actuelle bounce music des gangsters, sans renoncer au riche héritage créole ni à sa dimension éminemment spirituelle, sociale et politique. Sous le folklore et le pittoresque couve un groove vénéneux dont la profondeur mémorielle et métaphysique ne cesse d’affleurer.

Sofiane Saïdi, Rodolphe Burger et Mehdi Haddab, ardents défenseurs des musiques populaires et de leur nécessaire métissage, mêlent leur magistral savoir-faire pour une célébration joyeuse des racines du raï et du blues.

Sur un canevas électronique lardé de striures électriques et ourlé de volutes de oud, les trois larrons nous embarquent à fond de train sur des pistes cahoteuses qui relieraient Sidi Bel Abbes aux plantations du deep south, les faubourgs d’Oran à ceux de Düsseldorf, berceau de Kraftwerk. Dans le rétro de la 504, le fantôme de Rachid Taha est aux anges.

Voilà trente ans que ce groupe nantais peaufine avec une extrême méticulosité un son très singulier et très pluriel, sans œillères ni frontières, captivant un public toujours plus conquis. Atmosphères hypnotiques, son ample et puissant, cordes frémissantes, voix orientales et grooves des cinq continents sont les ingrédients savamment dosés par les membres d’Orange Blossom.

Leur processus créatif exige toujours une immersion préalable in situ (Egypte, Turquie, Mali, Cuba) pour en capter l’âme et les vibrations, tressées ensuite en un envoûtant métissage.

Soirée annulée

La toile pullule de très jeunes musiciens des rues africaines délivrant de sidérantes master class sur des instruments fabriqués à partir de matériaux de récupération. Nana Benz du Togo transpose à la scène cette énergie boostée au « do it yourself » et rend hommage aux Mama Benz, business women togolaises des années 60 et 70 et symbole panafricain d’émancipation.

La spiritualité vaudou se pique ici de messages féministes dans un galop frénétique vers la transe, toujours, au son d’une électro des poubelles à réveiller les morts, mais qui ne parle qu’à la vie majuscule et sans entraves.

Soirée annulée

Il y a plus de trente ans, la puissante voix d’Oumou Sangaré ouvrait une brèche dans le rempart du conservatisme patriarcal ouest-africain. Pionnière de l’activisme féministe, star internationale et digne héritière de Miriam Makeba, la diva malienne renoue aujourd’hui avec les sonorités organiques de son Wassoulou natal, à la croisée des cultures Peul, Bambara et Malinké.

Sur Timbuktu, kamele n’goni et guitare slide dialoguent et s’enroulent autour de ses modulations vocales lancinantes. Et mettent au jour les racines maliennes du blues en un voyage envoûtant et plein d’espoir.

Maïa Barouh s’est tardivement autorisée à rejeter l’injonction sociale d’une appartenance culturelle exclusive. Ses deux langues maternelles, le français et le japonais, s’entremêlent au creux des mêmes chansons, tout comme s’y entrelacent voix et flûte.

Biberonnée à la bossa et aux douceurs que lui susurrait Pierre Barouh,  son père « roi du slow-biz », elle a vu dans les outrances underground, dans les sonorités abrasives des machines, dans le délicieux brouillage des repères, une forme d’émancipation joyeuse. Voix tellurique, transe tribale, présence magnétique : un pur sortilège. 

Convoquer les années folles sur le dancefloor. Tel était le postulat de ces trublions électro lorsqu’ils ont gavé leurs samplers de pépites rétro croustillantes, de swing et de volutes manouches.

Au prix d’un dur labeur, mais aussi parce que les trois fondateurs parisiens étaient des instrumentistes chevronnés passés par le rock et le jazz, l’expérience de labo s’est changée en projet scénique ambitieux, à mi-chemin de la revue de music-hall et de la proposition de clubbing extatique. De New York à Tokyo, la traînée de poudre s’est enflammée instantanément. Elle brûle encore.